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  • : Le blog de arnaud.coutant.over-blog.com
  • : Ce blog présente les articles et ouvrages d'un enseignant-chercheur en Droit public. Il fournit également des références bibliographiques concernant différents domaines juridiques.
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9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 08:57

Début de la contribution publiée dans La Violence, sous la direction de F. Laffaille

 

 

L’année 1971 marque le début des aventures de l’inspecteur Harry Callahan. Un premier film, L’Inspecteur Harry (Dirty Harry en version originale), sort sur les écrans. Le scénario peut sembler convenu – les forces de police sont à la poursuite d’un tueur en série, Scorpio – le traitement réservé au personnage principal l’est beaucoup moins. L’inspecteur Harry comme le titre original l’indique a une personnalité singulière. C’est un homme violent, qui use et abuse de la force. Il est chargé des affaires les plus détestables, n’hésitant pas à violer les droits des criminels au besoin. Au cours du film, Harry multiplie les entorses au règlement, les comportements excessifs et les propos décalés, incorrects. Parvenant à arrêter le tueur, il le torture pour obtenir des aveux concernant une jeune femme qui a été enlevée. C’est ce qui détermine la suite du film, c’est-à-dire la libération de Scorpio en raison de la violation de ses droits et une récidive. Cette fois, Harry se retrouve face au tueur et l’abat, avant de jeter son insigne.

Ce premier film a fait l’objet de multiples critiques, visant en particulier les aspects excessifs du personnage, le comportement ultra violent à la limite du fascisme et la mise en avant d’un policier justicier qui se croit au-dessus des lois et des règles.

Le film est un succès, ce qui va conduire à quatre suites. À chaque fois, le héros du film est Harry Callahan, figure centrale d’une enquête policière mais aussi symbole.

Les cinq films ont un certain nombre de points communs. On retrouve ainsi une violence systématique de la part du policier, une interrogation fréquente sur l’échec des institutions traditionnelles et sur les limites du droit, un humour parfois décalé porté par l’acteur principal, Clint Eastwood.

Pourtant, en examinant plus précisément les scénarii, on constate une différence entre le deuxième film de la série, Magnum force, et les quatre autres.

 

 

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9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 08:55

Début de la contribution publiée dans Un haut fonctionnaire au service du Parlement. Mélanges en l’honneur de Jean-Louis Hérin, sous la direction de C. Puigelier, Mare et Martin, 2020.

 

Chambre du congrès américain créée pour représenter les États fédérés, à égalité, le Sénat occupe une place majeure dans la construction institutionnelle des États-Unis. L’actualité en apporte des preuves fréquentes, qu’il s’agisse de la confirmation d’un candidat à la cour suprême ou d’un débat entre les deux chambres sur des priorités politiques. Chaque élection présidentielle est même l’occasion de voir surgir des prétendants issus de cet organe aux nombreuses compétences.

Néanmoins, une partie importante du fonctionnement de cette institution demeure méconnue. Le fonctionnement administratif, au sens large, qui dépend d’une personne, le secrétaire du Sénat, pour essentiel qu’il soit n’en demeure pas moins dans l’ombre, comme en témoigne le faible nombre de travaux qui lui sont consacrés.

Parce que nous évoquons les États-Unis, un propos liminaire est indispensable. Les institutions de ce pays sont organisées par une constitution qui date de 1787. Cette longévité a nécessairement des conséquences sur les structures puisqu’il faut tenir compte de leur histoire, des évolutions successives et, parfois, de profondes transformations.

Le présent article a pour dessein de donner un aperçu de la fonction de secrétaire pour mieux comprendre son rôle actuel et son importance. Assurément, il ne peut être question d’étudier tous les secrétaires qui se sont succédés depuis 1789. Nous avons choisi de nous intéresser à deux personnalités en raison, d’une part, de l’importance de leur action dans l’évolution de l’institution, et, d’autre part, de la durée de leurs fonctions. De fait, lorsqu’on examine la liste des personnes ayant occupé le poste de secrétaire du Sénat, deux noms se détachent : Samuel Allyne Otis (1740-1814) et Asbury Dickins (1780-1861). Tous deux ont occupé le poste pendant un quart de siècle, Otis de 1789 à 1814, Dickins de 1836 à 1861. Dans quelle mesure ces deux hommes ont-ils imprimé leur marque sur la fonction de secrétaire ?

Nous retrouvons la dimension historique au-delà de l’analyse purement juridique puisqu’il est indispensable de replacer l’action de ces deux individus dans son contexte pour mieux comprendre les effets des décisions prises. De la sorte, on peut dire que leurs deux carrières permettent de revenir sur l’évolution du Sénat en tant qu’institution (I). Mais l’analyse conduit à relever un autre aspect, beaucoup plus déterminant. La fonction de secrétaire est amenée à évoluer pour perdre son caractère politique initial au profit d’une approche administrative qui n’en demeure pas moins essentielle dans ses conséquences (II).

 

 

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9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 08:53

Début de l'article publié à la RFDC en 2021

20 mars 1820 – 2 mars 1821, deux dates pour un symbole : le compromis du Missouri qui divise durablement la fédération américaine en deux parties, le nord et le sud.

Les deux dates renvoient à deux compromis successifs qui interviennent à un an d’intervalle. Il convient de préciser immédiatement qu’ils mettent fin à un conflit commencé le 8 janvier 1818 avec la demande d’admission du Missouri. Il a donc fallu plus de trois ans pour construire un mécanisme encadrant l’entrée des États dans une union… Car tel est le but de ces deux textes : décider pour l’avenir de l’extension juridique de la fédération américaine.

Deux siècles plus tard, la crise et sa résolution appartiennent apparemment à l’histoire. Ces événements ont pourtant une dimension primordiale dans l’analyse des textes américains en raison de leurs conséquences sur l’équilibre institutionnel. Parce que ce compromis concerne l’entrée d’un État esclavagiste par la fédération américaine, il marque un tournant dans deux perspectives distinctes. La première concerne ce que l’on dénomme l’institution particulière. L’esclavage trouve avec ces décisions un fondement juridique et politique majeur. La seconde renvoie aux débats de 1787. Dans une fédération, les deux niveaux disposent de compétences distinctes et interagissent. Les conséquences du compromis renforcent le niveau étatique et soulèvent des questions sur l’évolution des États-Unis à moyen et à long terme. L’importance de ce compromis dans l’histoire juridique des États-Unis renvoie ainsi à la structure même choisie par les pères fondateurs.

Ce compromis était censé régler définitivement une situation conflictuelle. Certes, on peut penser qu’il va fonctionner au regard de la relative stabilité de la fédération pendant les décennies suivantes. Néanmoins, en replaçant ce débat dans l’histoire du XIXe siècle, on ne peut s’empêcher d’y voir l’amorce d’une rupture entre deux conceptions de la fédération et de la société. Cette rupture ne fera que s’accentuer après un nouveau compromis, en 1850, pour amener la violente confrontation de la guerre civile.

En approfondissant l’étude de cet accord juridique, on relève une évidente ambivalence.

En premier lieu, le compromis répond à un changement de contexte qui invite à redéfinir certains aspects primordiaux de la jeune fédération (I) ; à ce titre, il s’agit de stabiliser les institutions juridiquement et politiquement en tenant compte d’une transformation.

En second lieu, ce compromis se révèle singulièrement dangereux par les questions qu’il laisse sans réponse (II). Sa logique même – modifier la vision initiale de la fédération en tenant compte d’un nouveau contexte – fragilise la structure dans son ensemble en créant des tensions nouvelles.

 

 

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9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 08:52

Début de l'article publié dans la revue du droit insolite en 2021

 

L’organisation de la fête d’Halloween dans une école publique américaine est-elle contraire au premier amendement de la constitution ? La question pourrait faire sourire. Elle a pourtant conduit à un contentieux qui s’est terminé par un arrêt rendu le 7 avril 1994 par la cour d’appel de district de Floride. Cette décision qui mélange avec plus ou moins de bonheur sorcières, chaudrons, droit constitutionnel et religion nous fournit l’occasion de revenir sur la place singulière de la religion en droit américain.

Robert Guyer est le père de deux enfants, Matthew et Benjamin. Ses enfants sont scolarisés dans l’école élémentaire d’Hidden Valley, dans le comté d’Alachua, État de Floride. Pour la fête d’Halloween, les responsables de l’établissement choisissent de le décorer avec les symboles habituels, représentations de sorcières, chaudrons, fantômes, et divers accessoires bien connus aux États-Unis. En réponse, Guyer décide de retirer ses enfants de l’école et d’attaquer ses responsables en justice pour violation de la constitution américaine, plus précisément de la clause dite de non établissement qui figure dans le premier amendement. Selon lui, Halloween est une fête religieuse directement liée à la religion Wicca. En décorant les établissements scolaires avec les symboles de la Wicca, les autorités américaines font du prosélytisme pour une religion, ce qui est contraire à la séparation telle qu’elle est théorisée et pratiquée aux États-Unis. Débouté en première instance, il fait appel, ce qui conduit la cour d’appel de district à se prononcer sur cette affaire.

Bien que le fond puisse sembler très insolite, cette espèce amène à aborder une thématique fondamentale : la séparation de la religion et de l’Etat en droit américain. Pour ce faire, et pour comprendre l’arrêt et ses conséquences, il est nécessaire de revenir sur la question religieuse en lien avec le culte Wicca et sa reconnaissance juridique, dans un premier temps (I), puis d’étudier plus précisément la réponse du juge américain, qui fait apparaître le concept de sécularisation en fonction du contexte (II).

 

 

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9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 08:50

Début de l'article publié à la revue de la recherche juridique en 2020

 

Rendue familière par le cinéma et la télévision, la formule « vous avez le droit de garder le silence… » est devenu un symbole des droits de la défense et de la procédure judiciaire, lorsqu’on s’intéresse aux États-Unis.

En quelques phrases, sont résumés les principaux droits d’une personne mise en état d’arrestation. Il suffit de citer l’intégralité de cette disposition pour en comprendre l’importance : « Vous avez le droit de garder le silence. Si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous devant une cour de justice. Vous avez le droit à un avocat et d’avoir un avocat présent lors de l’interrogatoire. Si vous n’en avez pas les moyens, un avocat vous sera fourni gratuitement. Durant chaque interrogatoire, vous pourrez décider à n’importe quel moment d’exercer ces droits, de ne répondre à aucune question ou de ne faire aucune déposition ». Droit de garder le silence, droit à un avocat, procédure de l’avocat commis d’office, autant d’éléments connus par la suite sous l’expression droits Miranda (Miranda Warnings).

Cette dernière renvoie à l’origine de cette disposition, un arrêt rendu par la cour suprême des États-Unis, en 1966, Miranda v. Arizona.

Au premier abord, en raison du contexte de la décision, il est tentant de l’inscrire dans un mouvement général en faveur des droits individuels – nous sommes au cœur du mouvement des droits civiques – et de faire de cet arrêt un moment particulier dans l’histoire juridique des États-Unis, celui de la consécration des droits de la défense.

Plus de cinq décennies plus tard, la décision fait pourtant encore l’objet de nombreux débats qui ne concernent pas seulement des détails mais bien la logique, le raisonnement suivi, les effets de cet arrêt.

Assurément, nous avons affaire à un arrêt majeur. Par son contenu, il s’agit d’une avancée juridique fondée sur une interprétation de la constitution fédérale (I).

Néanmoins, les critiques passées et présentes ne manquent pas. Elles conduisent à revenir sur l’élaboration de cet arrêt, sur son contexte et même sur ses conséquences réelles (II).

 

 

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28 novembre 2020 6 28 /11 /novembre /2020 14:22

Mon nouveau livre chez Mare et Martin

 

 

et sa présentation:

« Celui-ci est le premier, un sang bleu, issu d’une grande famille, Lord Brett Sinclair (...). L’autre est plutôt différent, un arriviste, Danny Wilde (...). Ils ont tous les deux une certaine valeur... Mais additionnés, comme en chimie... Prenez deux produits relativement peu dangereux, disons du nitrate et de la glycérine, mêlez les produits et vous allez obtenir une combinaison explosive. » C’est de cette manière que le juge Fulton présente deux individus qu’il veut réunir. Son but ? Rouvrir de vieux dossiers classés en utilisant ce duo d’enquêteurs que tout oppose, un aristocrate britannique et un homme d’affaires américain. C’est le début d’Amicalement vôtre. Derrière un humour omniprésent, chaque épisode offre au spectateur un regard singulier sur un monde en mutation, la société des années 1970. Le droit y occupe une place inattendue. Loin d’être une concession au réalisme, nécessaire au décor, il est au coeur de nombreuses intrigues. Les considérations juridiques font surtout l’objet d’une critique permanente qui permet d’opposer une légalité apparente, soumise aux aléas économiques et sociaux, inefficace dans son application, à une justice idéalisée incarnée par les deux héros. Brett et Danny nous proposent ainsi leur propre modèle juridique tout en dénonçant l’évolution du capitalisme et ses faux-semblants.

 

voir le site de l'éditeur

www.mareetmartin.com

 

 

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5 octobre 2020 1 05 /10 /octobre /2020 14:58

Une autre contribution parue cet été dans L’argent, dirigé par Franck Laffaille

Argent et stabilité juridique, Le cas des Etats Confédérés d’Amérique

 

http://www.mareetmartin.com/livre/largent

 

en voici les premières lignes :

 

« Not worth a continental » (expression que l’on peut traduire par « Même pas la valeur d’un continental) illustre parfaitement la complexité du rapport des Américains à leur monnaie au cours de leur histoire. Le Continental est le billet de banque émis par le congrès continental, durant la guerre d’indépendance.

L’histoire coloniale du papier-monnaie était déjà compliquée pour les habitants de l’Amérique du Nord. Si on excepte la Pennsylvanie, les autres tentatives de création de papier-monnaie dans les colonies britanniques avaient conduit à des échecs retentissants. Le parlement britannique était même intervenu en 1751 pour réguler la circulation du papier-monnaie et en limiter l’usage[1].

Avec la guerre d’indépendance, la principale question du congrès qui représente les nouveaux États américains concerne le financement des hostilités. Pour ce faire, les représentants des États en guerre décident de faire imprimer des billets pour financer le conflit. Connus sous le nom de « Continental Currency »[2], puis « Continentals », les billets se déprécient très rapidement pour deux raisons principales : d’une part, le maintien d’autres billets au niveau des différents États, les populations ayant plus confiance dans ces instruments locaux que dans le papier monnaie continental, d’autre part, le contexte de guerre et ses conséquences, les Britanniques ayant choisi d’inonder les anciennes colonies de contrefaçons… A la fin de l’année 1778, le Continental n’a plus qu’un septième de sa valeur faciale. En 1780, ce taux tombe à 1/40… Malgré plusieurs tentatives, le congrès finit par en interdire la circulation en mai 1781. Certains comme Benjamin Franklin voient même dans cette dépréciation systématique de la monnaie une forme d’impôt déguisé payé par la population américaine pour financer la guerre[3]

Ce premier épisode est significatif en lui-même. D’abord, il montre qu’il existe aux États-Unis, dès la naissance du pays, une méfiance vis-à-vis du papier-monnaie et de son utilisation ; le fait que le terme soit entré dans le langage courant pour désigner un objet sans valeur constitue un symbole certain. Ensuite, il fournit déjà un cadre plus général pour comprendre les difficultés rencontrées aux États-Unis pour mettre en place une monnaie commune ; dès cette époque, il y a une concurrence entre un pouvoir confédéral et un pouvoir étatique, la question d’une monnaie unique entraînant presque automatiquement celle de la confiance dans le système politique. Enfin, il marque profondément les esprits et devient un symbole politique autour duquel des responsables majeurs de la jeune Amérique vont s’affronter ; Thomas Jefferson ne cessera d’affirmer tout au long de son existence sa méfiance à l’encontre du papier-monnaie et du système bancaire[4]. De fait, un simple regard sur l’histoire monétaire et financière des États-Unis suffit pour comprendre les réticences en la matière. Malgré de multiples tentatives, durant la période révolutionnaire (the Bank of North America en 1782), dans les premières années de fonctionnement de la fédération (la banque fédérale créée en 1791 à l’initiative d’Alexander Hamilton), ou encore avec la république d’Andrew Jackson (la querelle autour de cette banque marque profondément la présidence de ce général symbolique), il faut attendre le début du XXe siècle pour voir naître une banque fédérale, sous le nom de réserve fédérale, en 1907. Elle ne devient une véritable banque centrale qu’après 1929[5]

La période révolutionnaire est connue pour un phénomène d’hyperinflation en lien justement avec ce papier-monnaie et sa fragilité. Du point de vue institutionnel, cette période historique se caractérise par une incertitude concernant le lieu réel du pouvoir politique. Est-il entre les mains des différents États ? Est-il concentré, au contraire, entre les mains d’un congrès continental qui représenterait les États dans le conflit ? Le fait que la guerre d’indépendance commence d’abord dans les différents États avec des déclarations individuelles (on pense à la Virginie) est suffisant pour comprendre que, à cette époque, c’est bien le niveau étatique qui est mis en avant. Certes, le congrès continental est nécessaire pour mener la guerre. Mais les habitants des anciennes colonies refusent de lui donner des pouvoirs importants. Or, le premier de ces pouvoirs est évidemment celui de battre monnaie, ce qui renvoie à la théorie étatique et à la naissance même de la forme étatique.

L’autre période d’hyperinflation la plus connue aux États-Unis intervient entre 1861 et 1865 et a pour cadre la Confédération des États du Sud[6]. Est-ce surprenant ? Au regard des circonstances, on peut en douter. De fait, les principales interrogations semblent similaires. Les États du Sud ont choisi de faire sécession à l’automne 1860 et au printemps 1861 parce qu’ils refusaient les pouvoirs, excessifs selon eux, qui avaient été confiés au gouvernement fédéral (la querelle autour de l’esclavage entrait exactement dans ces discussions puisque les États du Sud craignaient de voir le gouvernement fédéral abolir cette institution). La guerre qui se déclenche leur pose un problème pratique : pour pouvoir résister aux troupes fédérales, les États sécessionnistes doivent s’unir derrière un gouvernement, du moins dans la perspective militaire. Autrement dit, tout en affirmant leur indépendance et leur souveraineté, les États sécessionnistes sont contraints de donner un pouvoir relativement important à un gouvernement confédéral. Le parallèle est d’autant plus saisissant que, pour financer le conflit, le gouvernement confédéral va avoir recours au papier-monnaie.

L’étude des circonstances qui ont conduit à mettre en place les billets confédérés et de l’évolution de cette monnaie nous permet de mieux comprendre le rapport entre la stabilité de l’État, au niveau politique et juridique, et le rapport à l’argent dans les formes choisies pour son utilisation. Y a-t-il un lien entre une instabilité étatique et une monnaie fragile ou défaillante ? La réponse semble évidente au regard de l’exemple de la guerre civile. Durant cette période, au sein de la Confédération des États du Sud, les monnaies apparaissent sous de multiples formes, ce qui constitue un premier indice au regard de leur valeur et de la confiance qui leur est accordée (I). Comment s’étonner dans ce cas des effets à moyen terme de cette fragilité initiale sur l’argent et sur sa valeur (II) ?

 

 

 

[1] Joseph Ernst, Money and Politics in America, 1755-1775: A Study in the Currency Act of 1764 and the Political Economy of Revolution, UNC Press Books, 2014 (réédition, 1973), 422 p.

[2] Farley Grubb, “Creating the U.S. Dollar Currency Union, 1748-1811: A Quest for Monetary Stability or a Usurpation of State Sovereignty for Personal Gain?”, The American Economic Review, Vol. 93, No. 5 (Dec., 2003), p. 1778-1798; Robert Friedberg, Ira S. Friedberg, Arthur Friedberg, Paper Money of the United States: A Complete Illustrated Guide with Valuations : the Standard Reference Work on Paper Money, Coin & Currency Institute, 2010, 304 p.; p. 11.

[3] Ben Baack, "America's first monetary policy: inflation and seigniorage during the Revolutionary War", Financial Historical Review, Volume 15, 2, October 2008 , p. 107-121; James Willard Hurst, A Legal History of Money in the United States, 1774-1970, Beard Books, 2001, 367 p.; Ralph Volney Harlow, “Aspects of Revolutionary Finance, 1775-1783”, The American Historical Review, Vol. 35, No. 1 (Oct., 1929), p. 46-68.

[4] Voir par exemple une lettre à John Adams du 24 janvier 1814, https://founders.archives.gov/documents/Jefferson/03-07-02-0083#RFH66054618140124100_5

[5] Friedberg, Paper Money of the United States.

[6] John Christopher Schwab, “Prices in the Confederate States, 1861-65”, Political Science Quarterly, Vol. 14, No. 2 (Jun., 1899), p. 281-304; sur le régime et les questions financières,  John Christopher Schwab, The Confederate States of America, 1861-1865: A Financial and Industrial History of the South During the Civil War, Yale University Press, 1913, 332 p.; Milton Friedman, “Price, Income, and Monetary Changes in Three Wartime Periods”, The American Economic Review, Vol. 42, No. 2, Papers and Proceedings of the Sixty-fourth Annual Meeting of the American Economic Association (May, 1952), p. 612-625.

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5 octobre 2020 1 05 /10 /octobre /2020 14:54

Une contribution publiée dans un ouvrage commun :

 

Un portrait naturaliste du Code civil, Les Rougon-Macquart d’Émile Zola

Paru dans Le Code en toutes lettres, écriture et réécritures du code civil au XIXe siècle, Classiques garnier, 2020

 

 

https://classiques-garnier.com/le-code-en-toutes-lettres-ecriture-et-reecritures-du-code-civil-au-xixe-siecle.html

 

 

Premières lignes de la contribution:

 

 

Les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire forment une vaste fresque rédigée par Zola entre 1871 et 1893. 20 romans illustrent les péripéties vécues par différents membres de cette famille. Qu’il s’agisse du monde paysan ou du monde ouvrier, d’une histoire de village ou de la vie d’une ville, d’une déchéance personnelle ou de la destruction d’une famille, le contenu est fréquemment pessimiste et sombre tout en incarnant une part importante du mouvement naturaliste.

Nous avons choisi le terme portrait dans le titre de cette contribution à dessein : l’histoire du mot naturalisme connaît un tournant au milieu du xixe siècle avec un transfert vers le monde de la peinture. En 1863, un critique d’art, Jules Antoine Castagnary, évoque l’existence d’une école naturaliste en ces termes :

 

« L’art est l’expression de la vie sous tous ses modes et à tous ses degrés, et son unique but est de reproduire la nature en l’amenant à son maximum de puissance et d’intensité : c’est la vérité s’équilibrant avec la science »[1].

 

La formule s’applique parfaitement au portrait littéraire de la société que Zola souhaite réaliser par l’intermédiaire de ses 20 romans. Cette logique apparaît dès les premières lignes de la préface du premier roman. À ce titre, on constate que l’œuvre dans son ensemble est pensée dès le départ dans une forme d’intégralité. Il s’agit d’évoquer une famille mais dans un dessein spécifique que l’auteur présente.

 

« Je veux expliquer comment une famille, un petit groupe d'êtres, se comporte dans une société, en s'épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt individus, qui paraissent, au premier coup d'œil, profondément dissemblables, mais que l'analyse montre intimement liés les uns aux autres. L'hérédité a ses lois, comme la pesanteur.

Je tâcherai de trouver et de suivre, en résolvant la double question des tempéraments et des milieux, le fil qui conduit mathématiquement d'un homme à un autre homme. Et quand je tiendrai tous les fils, quand j'aurai entre les mains tout un groupe social, je ferai voir ce groupe à l'œuvre, comme acteur d'une époque historique, je le créerai agissant dans la complexité de ses efforts, j'analyserai à la fois la somme de volonté de chacun de ses membres et la poussée générale de l'ensemble »[2].

 

La logique de Zola, d’abord et avant tout scientifique, se fonde sur des règles, biologiques et sociales, qui gouverneraient la société. Les Rougon-Macquart ont donc été rédigés pour offrir une démonstration scientifique.

Or, dans de nombreux romans, le droit intervient, parfois de manière liminaire, parfois de manière principale. Un texte est même fréquemment évoqué, le code civil[3]. Sans parfois de références précises, le code apparaît au cours de l’action, pour appuyer tel ou tel raisonnement, ou pour servir de cadre général.

L’objet de la présente contribution est de montrer que, au-delà de la simple utilisation romanesque du code civil (I), le document est utilisé par Zola dans un dessein beaucoup plus général qui intègre la dimension juridique dans la perspective naturaliste (II).

 

 

[1] Pagès, Alain, Pottier, Jean-Michel, Les Soirées de Médan (Émile Zola, Guy de Maupassant, Joris-Karl Huysmans, Paul Alexis, Léon Hennique, Henry Céard), Paris, Flammarion, 2015, 367 p.; p. ix.

[2] Zola, Émile, La Fortune des Rougon (1871), Paris, G. Charpentier, 1879, 385 p. ; préface p. 1.

[3] Code civil des Français, de l’imprimerie de la République, 1804, 579 p.

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20 mars 2020 5 20 /03 /mars /2020 06:05

Vient de paraître dans la Revue Considérant

Les présidents du Mont Rushmore, Les « élus » de l’Amérique

 

https://classiques-garnier.com/considerant-2020-revue-du-droit-imagine-n-2-varia.html

en voici les premières lignes

« J’ai toujours voulu faire une séquence de poursuite sur les visages des présidents du Mont Rushmore », propos d’Alfred Hitchcock, rapporté par le scénariste de La Mort aux trousses, Ernest Lehman[1].

 

La scène est célèbre. À la fin de La Mort aux trousses (North by Northwest en version originale), Roger Thornhill (Cary Grant) et Eve Kendall (Eva Marie-Saint) courent au milieu des têtes des présidents américains, sculptées sur le Mont Rushmore, pour échapper à des espions. Le but d’Hitchcock était de montrer la victoire de la démocratie sur l’autel de la démocratie… car telle serait la signification de ce monument.

Situé dans le Dakota du Sud, l’endroit en question est aujourd’hui un parc national qui accueille plus de 2 millions de visiteurs par an[2]. À l’origine du projet, en 1923, on trouve un historien natif de cet État, Doane Robinson, qui espère créer un lieu touristique propre à développer économiquement la région. Avant de commencer les travaux, il faut résoudre deux questions : d’une part, obtenir les autorisations nécessaires au niveau fédéral et au niveau fédéré, d’autre part, trouver les moyens de financer le projet. En 1925, l’aspect administratif est résolu. Deux ans plus tard, un budget ayant été réuni, les travaux peuvent commencer. Le projet initial prévoyait quatre sculptures monumentales représentant des portraits des présidents en pied. Le coût global étant trop important, Gutzon Borglum[3], le sculpteur, se résout à ne réaliser que des visages. Le premier livré est celui de George Washington, le 4 juillet 1930. Les trois autres sont inaugurés par le président Franklin Delano Roosevelt, le 30 août 1936 pour Thomas Jefferson, le 17 septembre 1937 pour Abraham Lincoln et le 2 juillet 1939 pour Theodore Roosevelt. Borglum meurt le 6 mars 1941, à Chicago, laissant son fils Lincoln terminer les derniers détails.

Au-delà des difficultés du travail lui-même, on peut relever plusieurs modifications significatives en ce qui concerne l’encadrement et l’organisation du monument. En 1933, Roosevelt rattache le Mont Rushmore au service des parcs nationaux, entraînant de fait la nomination d’un ingénieur, Julian Spotts, pour superviser les travaux. En retour, Borglum réussit à faire nommer une nouvelle commission avec la même compétence, en 1938, dans la perspective de retrouver une totale liberté dans la réalisation. Son but est de compléter les visages en ajoutant derrière le monument une vaste salle ouverte au public pour accueillir les grands documents de l’histoire américaine. La réaction hostile du congrès face à des dépenses supplémentaires met un terme à ce projet. Un autre aspect a été abandonné pour des raisons identiques, une sculpture qui devait comporter une liste de dates en lien avec les transformations géographiques de l’union.

Finalement, le monument comporte seulement les visages de quatre présidents, de gauche à droite : Jefferson, Washington, Roosevelt et Lincoln. Tous les quatre ont été élus pour occuper la fonction présidentielle.

Au-delà de son aspect touristique, cette immense réalisation constitue un véritable symbole aux États-Unis. Elle a été conçue pour célébrer quatre individus qui, dans l’imaginaire du pays, s’inscrivent dans une histoire commune en grande partie mythifiée.

Les sculptures du Mont Rushmore nous fournissent l’occasion idéale d’explorer l’idée d’élus aux États-Unis, non seulement au regard de l’histoire personnelle des individus et de leur contribution à la construction des États-Unis (I), mais aussi en raison de la force symbolique qu’ils représentent, en véhiculant une certaine image de ce pays (II).

 

[1] Donald Spoto, La Vraie vie d’Alfred Hitchcock, Ramsay, 1994, p. 420.

[2] Kate Conley, Engineering Mount Rushmore, North Star Editions, 2018, 48 p.; Alicia Z. Klepeis, Building Mount Rushmore, Cavendish Square Publishing, LLC, 2017, 32 p.; Jesse Larner, Mount Rushmore: An Icon Reconsidered, Basic Books, 2003, 304 p.; Rex Alan Smith, The Carving of Mount Rushmore, Abbeville Press, 1985, 415 p.; John Taliaferro, Great White Fathers: The Story of the Obsessive Quest to Create Mount Rushmore, PublicAffairs, 2002, 453 p.; Teresa Bergman, Exhibiting Patriotism: Creating and Contesting Interpretations of American Historic Sites, Left Coast Press Inc (15 janvier 2013), 192 p.

[3] Howard Shaff, Gutzon Borglum, Audrey Karl Shaff, Six Wars at a Time: The Life of Gutzon Borglum, Sculptor of Mt. Rushmore, Center for Western Studies, 1985, 379 p.; Willadene Price, Gutzon Borglum, artist and patriot, Rand McNally, 1972, 224 p.

 

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21 décembre 2019 6 21 /12 /décembre /2019 10:55

Pour célébrer le centenaire de la prohibition aux Etats-Unis, mon nouvel article sur la question et son actualité (publié dans la revue Jus Vini).

en voici les premières lignes

 

Situé dans le comté de Grafton, dans l’État du New Hampshire, le village d’Ellsworth n’offre pas, au premier abord, un visage très différent de celui de ses voisins. Pourtant, cette petite communauté de 83 habitants est singulière dans cet État américain du Nord-est puisqu’il s’agit d’une des deux dernières localités prohibitionnistes (avec le village de Monroe – 788 habitants – situé dans le même comté)…

Loin d’être une exception, cet exemple reflète au contraire une dimension souvent méconnue du système américain en ce qui concerne le commerce et la consommation d’alcool : la persistance de la prohibition avec toutes ses conséquences.

Dans l’imaginaire collectif, la prohibition de l’alcool aux États-Unis renvoie à une période précise, les années 1920. Initiée avec le XVIIIe amendement, adopté en 1919, cette interdiction de la fabrication, du commerce et du transport de l’alcool est au cœur du système juridique jusqu’à l’adoption d’une nouvelle révision constitutionnelle, le XXIe amendement, en 1933. Trop souvent, le regard étranger s’arrête à cette dimension historique. Mais, il s’agit d’une surinterprétation du texte de 1933. De fait, l’abandon de la prohibition, qui est consacré à cette date, ne concerne que le niveau fédéral. Le niveau fédéré, étatique par conséquent, demeure en charge de la politique en la matière. Au regard de la situation actuelle, aux États-Unis, on peut difficilement parler de détail… En effet, c’est même cette origine – une révision constitutionnelle qui s’intègre dans une transformation des niveaux juridiques américains entre gouvernement fédéral et États fédérés – qui explique la rare complexité qui caractérise le système américain actuel.

Certes, il n’existe plus d’État prohibitionniste. Le dernier à avoir abandonné cette politique est le Mississippi, la décision remontant aux années 1960. Néanmoins, certains États ont choisi de laisser au niveau local la liberté d’agir. Cette première précision est loin d’épuiser le sujet, car le singulier est inadéquat : il faut parler des niveaux locaux puisque, là aussi, les réglementations et dispositions peuvent varier en fonction des États. De surcroît, les pratiques divergent, lorsqu’on examine l’application des textes et leurs conséquences. En résumé, aux États-Unis, il existe, d’un côté, des États qui ne pratiquent plus la prohibition et, de l’autre, des États qui l’autorisent au niveau des comtés, ou des municipalités, ou de certains districts, créant ainsi des zones potentiellement dry, en fonction du choix des habitants de ces régions. En pratique, on constate par conséquent la présence de comtés wet, c’est-à-dire ne pratiquant pas la prohibition, et de comtés dry, ayant choisi d’interdire la fabrication et/ou le transport et/ou le commerce de l’alcool, mais aussi la possibilité dans des comtés wet d’avoir des municipalités dry, et inversement…

Dernier point remarquable, les particularismes ne s’arrêtent pas là car les réglementations, qu’elles soient locales ou étatiques, peuvent facilement être qualifiées d’instables. Pour ne prendre que deux exemples, dans les années récentes, deux Etats ont lancé des procédures pour mettre fin aux prohibitions locales. En Arkansas, en 2014, le référendum qui devait valider cette mutation s’est soldé par un échec. A l’inverse, en 2015, le congrès du Wisconsin a officiellement tourné la page de la prohibition.

Le dessein de cet article est de présenter un tableau le plus fidèle possible des dispositions actuellement en application[1]. Dans cette optique, nous avons choisi d’insister sur une caractéristique majeure, l’écart entre la théorie – ce que les textes prévoient, ce qui conduit à mettre en exergue une première série de particularités (I) – et la pratique, qui révèle une étonnante complexité juridique, teintée parfois d’incertitudes (II).

 

[1] Les principales sources de cet article se trouvent dans les textes des différents Etats (le site https://law.justia.com/codes/ est à ce titre précieux). On notera l'importance des sources numériques en ce qui concerne l'accès. Les sites officiels des Etats fournissent des documents de mise à jour et des mises en perspective. Ceci s'explique d'autant plus en raison du caractère très changeant des dispositions et des différences étatiques… D'autres éléments sont issus de la presse étatique ou locale, pour rendre compte des évolutions en cours. D'un point de vue général, sur l'alcool aux Etats-Unis, on peut consulter entre autres Scott C. Martin, The SAGE Encyclopedia of Alcohol: Social, Cultural, and Historical Perspectives, SAGE Publications, 2014, 1704 p.; et les deux livres de Richard P. Mendelson, From Demon to Darling, a Legal History of Wine in America, University of California Press, 2009, 300 p.; Wine Law in America: Law and Policy, Wolters Kluwer Law & Business, 2014, 512 p.

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