Début de l'article publié dans la revue du droit insolite en 2021
L’organisation de la fête d’Halloween dans une école publique américaine est-elle contraire au premier amendement de la constitution ? La question pourrait faire sourire. Elle a pourtant conduit à un contentieux qui s’est terminé par un arrêt rendu le 7 avril 1994 par la cour d’appel de district de Floride. Cette décision qui mélange avec plus ou moins de bonheur sorcières, chaudrons, droit constitutionnel et religion nous fournit l’occasion de revenir sur la place singulière de la religion en droit américain.
Robert Guyer est le père de deux enfants, Matthew et Benjamin. Ses enfants sont scolarisés dans l’école élémentaire d’Hidden Valley, dans le comté d’Alachua, État de Floride. Pour la fête d’Halloween, les responsables de l’établissement choisissent de le décorer avec les symboles habituels, représentations de sorcières, chaudrons, fantômes, et divers accessoires bien connus aux États-Unis. En réponse, Guyer décide de retirer ses enfants de l’école et d’attaquer ses responsables en justice pour violation de la constitution américaine, plus précisément de la clause dite de non établissement qui figure dans le premier amendement. Selon lui, Halloween est une fête religieuse directement liée à la religion Wicca. En décorant les établissements scolaires avec les symboles de la Wicca, les autorités américaines font du prosélytisme pour une religion, ce qui est contraire à la séparation telle qu’elle est théorisée et pratiquée aux États-Unis. Débouté en première instance, il fait appel, ce qui conduit la cour d’appel de district à se prononcer sur cette affaire.
Bien que le fond puisse sembler très insolite, cette espèce amène à aborder une thématique fondamentale : la séparation de la religion et de l’Etat en droit américain. Pour ce faire, et pour comprendre l’arrêt et ses conséquences, il est nécessaire de revenir sur la question religieuse en lien avec le culte Wicca et sa reconnaissance juridique, dans un premier temps (I), puis d’étudier plus précisément la réponse du juge américain, qui fait apparaître le concept de sécularisation en fonction du contexte (II).