Début de l'article publié à la RFDC en 2021
20 mars 1820 – 2 mars 1821, deux dates pour un symbole : le compromis du Missouri qui divise durablement la fédération américaine en deux parties, le nord et le sud.
Les deux dates renvoient à deux compromis successifs qui interviennent à un an d’intervalle. Il convient de préciser immédiatement qu’ils mettent fin à un conflit commencé le 8 janvier 1818 avec la demande d’admission du Missouri. Il a donc fallu plus de trois ans pour construire un mécanisme encadrant l’entrée des États dans une union… Car tel est le but de ces deux textes : décider pour l’avenir de l’extension juridique de la fédération américaine.
Deux siècles plus tard, la crise et sa résolution appartiennent apparemment à l’histoire. Ces événements ont pourtant une dimension primordiale dans l’analyse des textes américains en raison de leurs conséquences sur l’équilibre institutionnel. Parce que ce compromis concerne l’entrée d’un État esclavagiste par la fédération américaine, il marque un tournant dans deux perspectives distinctes. La première concerne ce que l’on dénomme l’institution particulière. L’esclavage trouve avec ces décisions un fondement juridique et politique majeur. La seconde renvoie aux débats de 1787. Dans une fédération, les deux niveaux disposent de compétences distinctes et interagissent. Les conséquences du compromis renforcent le niveau étatique et soulèvent des questions sur l’évolution des États-Unis à moyen et à long terme. L’importance de ce compromis dans l’histoire juridique des États-Unis renvoie ainsi à la structure même choisie par les pères fondateurs.
Ce compromis était censé régler définitivement une situation conflictuelle. Certes, on peut penser qu’il va fonctionner au regard de la relative stabilité de la fédération pendant les décennies suivantes. Néanmoins, en replaçant ce débat dans l’histoire du XIXe siècle, on ne peut s’empêcher d’y voir l’amorce d’une rupture entre deux conceptions de la fédération et de la société. Cette rupture ne fera que s’accentuer après un nouveau compromis, en 1850, pour amener la violente confrontation de la guerre civile.
En approfondissant l’étude de cet accord juridique, on relève une évidente ambivalence.
En premier lieu, le compromis répond à un changement de contexte qui invite à redéfinir certains aspects primordiaux de la jeune fédération (I) ; à ce titre, il s’agit de stabiliser les institutions juridiquement et politiquement en tenant compte d’une transformation.
En second lieu, ce compromis se révèle singulièrement dangereux par les questions qu’il laisse sans réponse (II). Sa logique même – modifier la vision initiale de la fédération en tenant compte d’un nouveau contexte – fragilise la structure dans son ensemble en créant des tensions nouvelles.