« Le Procès du singe en 1925, la victoire des créationnistes sur Darwin », in L’Injustice, sous la direction de F. Laffaille, Mare et Martin, 2024, p. 57-84
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Le 21 juillet 1925, le juge John T. Raulston prononce la condamnation de John Thomas Scopes au nom de l’État du Tennessee pour avoir violé une loi fédérée interdisant d’enseigner la théorie de l’évolution.
La décision rendue ce jour-là inscrit donc dans la jurisprudence une consécration du créationnisme en validant l’idée que l’homme est une création divine, comme l’enseigne la Bible.
Près d’un siècle plus tard, une telle décision trouve encore une certaine résonance dans la société américaine. De fait, au-delà du débat initial et de son contexte, il est indispensable de rappeler la persistance d’un fort courant créationniste aux États-Unis, y compris de nos jours.
Ceci n’en rend que plus intéressant un retour en arrière pour examiner ce procès étonnant, que l’on a rapidement surnommé « le procès du singe » et qui se tient devant le grand jury du Tennessee, durant l’été 1925.
Tout d’abord, pour en comprendre les principales étapes, et même le résultat, il est nécessaire de revenir sur le procès lui-même, c’est-à-dire sur son déroulement de manière générale et sur son issue. Les débats voient s’affronter deux personnalités aussi célèbres que centrales dans le monde politique et judiciaire. William Jennings Bryan[1], qui parle au nom des créationnistes, est un membre bien connu du parti démocrate. Il a été candidat à l’élection présidentielle, représentant du Nebraska, et même secrétaire d’État des États-Unis. Symboliquement, il reste attaché à ce procès puisqu’il meurt cinq jours après le rendu du jugement… Clarence Darrow[2], qui défend Scopes, est un avocat qui s’est rendu célèbre dans plusieurs causes dans les années précédentes. Ce membre de l’union américaine pour les libertés civiles a défendu à plusieurs reprises des syndicalistes dans des procès médiatisés. En 1925, son nom est familier du grand public en raison de son intervention dans le procès Loeb Leopold, qui concernait le meurtre d’un adolescent par deux jeunes hommes. Darrow, grâce à sa plaidoirie, avait pu leur éviter la condamnation à mort.
Ensuite, parce qu’il s’agit aussi et surtout d’une décision symbolique, nous poursuivrons notre étude par une analyse plus générale des positions toujours vivaces au sein de la société américaine sur cette question. Le procès du singe n’est pas une parenthèse dans l’histoire américaine. Il a eu de nombreuses répercussions et a même donné lieu à deux répétitions, avec des issues totalement différentes.
[1] David D. Anderson, William Jennings Bryan, Twayne Publishers, 1981, 210 p.; Robert W. Cherny, A Righteous Cause: The Life of William Jennings Bryan, University of Oklahoma Press, 1994, 225 p.
[2] John A. Farrell, Clarence Darrow: Attorney for the Damned, Knopf Doubleday Publishing Group, 2012, 592 p.; Richard J. Jensen, Clarence Darrow : the creation of an American myth, Greenwood Press, 1992, 328 p. ; James Edward Sayer, Clarence Darrow: Public Advocate, Wright State University, 1978, 112 p.