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  • : Le blog de arnaud.coutant.over-blog.com
  • : Ce blog présente les articles et ouvrages d'un enseignant-chercheur en Droit public. Il fournit également des références bibliographiques concernant différents domaines juridiques.
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6 mai 2025 2 06 /05 /mai /2025 07:30

« John Greville Agard Pocock, de l’humanisme civique à la théorie du droit », in Maîtres à Penser, sous la direction de F. Laffaille, Mare et Martin, 2023, p. 101-126

 

Depuis quelques années, j’ai le plaisir et le privilège de faire partie des contributeurs du Bulletin Annuel de Villetaneuse. À l’initiative du coordinateur de cette publication, le professeur Franck Laffaille, l’occasion m’a été donnée d’écrire sur la discrimination, la violence, l’argent ou encore le concept de crise. Les sujets sont autant de portes ouvertes pour tout juriste ou politiste avide de parcourir des chemins avec un regard inédit. Pour ce nouveau numéro, la thématique – les maîtres à penser – m’a entraîné sur des routes inattendues. Réfléchissant sur la voie que j’avais envie d’emprunter, j’ai d’abord choisi d’écarter un nom, un penseur français du XIXe siècle, auquel j’ai déjà consacré un certain nombre de travaux… Et puis, assez rapidement, un autre nom a surgi. Grâce à cette initiative, c’est donc un voyage dans le temps, dans l’histoire et dans la pensée politique que je vous invite à faire avec moi.

Parce que tout universitaire a commencé par être étudiant, et je n’échappe pas à cette règle, les travaux que nous sommes amenés à réaliser ont parfois d’étonnantes résonances avec notre passé. Coïncidence ou non, c’est aussi le passé qui intervient comme clé dans nombre de mes réflexions et de mes recherches. Alors que je commençais ma cinquième année de droit, à l’époque où on appelait encore cette année un diplôme d’études approfondies, mon intérêt se tourna vers un penseur français du XIXe, Alexis de Tocqueville, et vers un mouvement d’histoire des idées politiques, l’humanisme civique, marqué par un maître à penser, un professeur américain, d’origine néo-zélandaise, John Greville Agard Pocock. Cette double rencontre a eu des influences durables sur ma manière de travailler, de concevoir la réflexion juridique et a généré des questions méthodologiques centrales.

John Pocock est né à Londres, le 7 mars 1924. Le départ de sa famille pour la Nouvelle-Zélande, moins de trois ans plus tard, motivé par la nomination de son père, Greville Pocock, comme professeur de lettres classiques au Canterbury College lui vaudra de passer une bonne partie de son enfance dans cet autre pays du Commonwealth. Revenu en Angleterre pour y passer ses diplômes, principalement à Cambridge, il repart pour la Nouvelle-Zélande et enseigne d’abord dans le même établissement entre 1946 et 1948, ensuite à l’université d’Otago, entre 1953 et 1955. Après avoir dirigé le département de science politique de l’université de Canterbury, il part pour les États-Unis en 1966 où il intègre l’université Washington, à Saint-Louis, dans le Missouri. En 1975, c’est l’université John Hopkins de Baltimore qui l’accueille. Dès son premier ouvrage, The Ancient Constitution and the Feudal Law[1], il adopte un principe, l’analyse des œuvres des principaux penseurs en revenant sur le contexte historique et sur les aspects juridiques les plus importants. Pourtant, il faut attendre 1975 et Le Moment machiavélien[2] pour constater un changement de perspective, la philosophie et la théologie remplaçant le droit et la politique dans son objet d’étude. Il poursuit par des travaux plus littéraires, sur l’historien britannique Edward Gibbon en particulier.

Voici donc un historien, spécialiste des idées politiques, passionné par des périodes très précises, fasciné par des auteurs et par la recherche d’une forme de continuité. Tel est le maître à penser qui a contribué à nourrir dans ma réflexion une curiosité, mais aussi et surtout un regard sur la connaissance. Pocock c’est d’abord le porte-parole d’un mouvement d’idées, l’humanisme civique, qui rapidement fut intégré dans l’histoire des idées politiques, en devenant tout à la fois une référence et une perspective (I). Mais Pocock c’est aussi un regard critique sur le droit, sur sa place dans notre société moderne, que l’on qualifie encore souvent d’occidentale, épithète qui renvoie surtout à une histoire tout à la fois antique et récente, marquée par l’Italie, l’Angleterre et l’Amérique, avant une explosion française avec toutes ses conséquences. La relecture effectuée par cet auteur offre l’occasion de casser des codes, de franchir des frontières pour mieux revenir dans la discipline juridique en en soulignant ses questions, ses contraintes et sa richesse (II).

 

[1] John Greville Agard Pocock, The Ancient Constitution and the Feudal Law: A Study of English Historical Thought in the Seventeenth Century, Norton, 1967, 271 p. (L'ancienne constitution et le droit féodal: étude de la pensée historique dans l'Angleterre du XVIIe siècle, Presses universitaires de France, 2000, 468 p.)

[2] John Greville Agard Pocock, The Machiavellian Moment : Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Princeton University Press, 1975, 602 p. (Le Moment machiavélien : la pensée politique florentine et la tradition républicaine atlantique, Presses universitaires de France, 1997, 586 p.)

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6 mai 2025 2 06 /05 /mai /2025 07:23

« Il y a un juriste à Champignac, l’interprétation en droit et en bande dessinée » in Droit(s) et Bande dessinée, sous la direction de Géraldine Goffaut Callebaut, Mare et Martin, 2024, p. 223-250

 

premières lignes

 

Spirou, Tintin, Astérix, Mickey, qu’il s’agisse d’un petit groom habillé en rouge, d’un gamin reporter, d’un gaulois amateur de potion magique ou encore d’une souris qui parle, tous ces héros de bande dessinée font figure de classiques en raison de leur notoriété et de leur résistance au temps qui passe. Considéré comme un moyen pour s’initier à la lecture, pour les uns, décrié pendant de nombreuses années en raison de sa prétendue influence pernicieuse sur les enfants, pour les autres, le neuvième art a connu une évolution majeure à partir des années 1960. Les créateurs de bande dessinée ont ainsi vu leur travail être reconnu à part entière comme une discipline artistique, avec ses règles, ses grands maîtres et même ses écoles, comme celles de Bruxelles et de Marcinelle, pour ne citer que ces deux exemples belges.

Dans cette perspective, le droit a déjà toute sa place. Il faut protéger les auteurs, poser parfois la question de l’origine de l’œuvre entre le scénariste et le dessinateur ou s’interroger sur le devenir d’un héros (on pense à la succession d’Hergé en particulier).

Cependant, se cantonner à cette seule dimension serait une erreur au regard de la richesse de cet art et du dialogue potentiel avec la matière juridique.

Mettre en relation deux disciplines comme le droit et une matière culturelle n’est plus réservé aujourd’hui à quelques pionniers. Plus d’un siècle après les travaux de John Henry Wigmore, le père du mouvement « droit et littérature », les recherches interdisciplinaires ne cessent de se multiplier. Les colloques, les ouvrages communs et les monographies nous apportent un regard renouvelé sur les implications juridiques en littérature, au cinéma et même à la télévision.

En investissant un nouveau terrain, les juristes ne cherchent pas seulement à vulgariser l’usage du droit.

Certes, au départ, le mouvement « droit et littérature », ambitionnait de rechercher du droit dans la littérature, en y trouvant une illustration des professions juridiques ou de certains points de droit, une représentation des procès ou une description de procédures judiciaires, le droit apparaissant comme un élément de contexte.

Néanmoins, ce premier but n’épuise pas la matière. Comme le mouvement « droit et littérature », le rapprochement entre droit et culture a connu un second volet qui s’interroge sur l’apport d’une étude comparative à la théorisation juridique. Certains héritiers ultérieurs de Wigmore ont questionné la relation entre intention de l’auteur et réception par le lecteur, à l’aune du fonctionnement du droit, ou ont recherché dans les techniques propres à chaque art des parallèles avec le raisonnement juridique.

À ce titre, il est utile de revenir, dans un premier temps, sur les enseignements juridiques que nous apportent les différentes lectures d’une bande dessinée et le symbolisme propre à cet art (I).

Dans un second temps, le parallèle entre les deux disciplines conduit à étudier la construction d’une bande dessinée pour en tirer une interprétation juridique (II).

 

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6 mai 2025 2 06 /05 /mai /2025 07:15

à voir l'ouvrage de Mathieu Perrin sur le cinéma et le droit

J'ai eu le plaisir de rédiger la fiche concernant le Procès Paradine d'Alfred Hitchcock...

https://www.mareetmartin.com/livre/100-films-a-voir-ou-a-revoir-lorsque-lon-est-juriste

 

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16 avril 2025 3 16 /04 /avril /2025 13:05

article paru à l'AJFP en mars 2025

Premières lignes

 

Sous la plume de celle que l’on surnomme communément la « reine du crime », la fonction publique revêt de multiples visages. Sans surprise, le policier est une figure centrale des intrigues criminelles imaginées par Agatha Christie. Si nombre de ces personnages y sont notoirement incompétents, ce qui justifie l’entrée en scène des héros fétiches de la romancière, certains membres des forces de l’ordre apparaissent sous un jour plus étonnant. Une autre figure fait parfois son apparition, de manière plus limitée, celle du fonctionnaire rattaché aux Affaires étrangères, qui laisse place à des descriptions tout aussi critiques que cyniques. Enfin, le fonctionnaire peut changer totalement de visage avec une troisième incarnation, celle de l’archéologue, qui nous fait, cette fois, entrer dans l’intimité de l’autrice

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20 mai 2023 6 20 /05 /mai /2023 04:46

John Henry Wigmore

Un juriste d'exception

Auteur : Arnaud Coutant

John Henry Wigmore nait en 1863 et disparaît en 1943. Élève d’Harvard, il quitte les États-Unis tout juste diplômé pour gagner le Japon où il va enseigner pendant trois ans. Cette expérience le conduit à se passionner pour le droit comparé. À son retour, il est recruté par la faculté de droit de Northwestern (Chicago) et en devient le doyen en 1901.
Cette biographie présente les différentes étapes de la vie de ce professeur spécialiste de la preuve. Certains de ses travaux sont marqués par le contexte. Membre des bureaux du juge avocat général, pendant la Première Guerre mondiale, il travaille ainsi à une réforme du code des cours martiales. D’autres montrent son action centrale dans plusieurs mouvements juridiques d’ampleur : criminologie, droit aérien, analyses historiques et politiques.

 

 

376 pages
Parution : 23 févr. 2023
 
 
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20 mai 2023 6 20 /05 /mai /2023 04:43

Edgar P. Jacobs et les dess(e)ins du droit

La justice éclairée par Blake et Mortimer

Auteur : Arnaud Coutant

24 décembre 1952.

Dans un laboratoire secret, situé dans les sous-sols de Londres, une ultime confrontation oppose un savant mégalomane, Septimus, et les deux héros créés par Edgar P. Jacobs, le capitaine Blake et le professeur Mortimer. Contre toute attente, c’est celui qui servait d’assistant au scientifique, Olrik, qui se retourne contre son maître et le tue.

Avec ce dénouement, le dessinateur termine l’une de ses œuvres les plus connues, La Marque jaune. Pendant près d’un an et demi, les lecteurs du journal Tintin ont pu suivre chaque semaine Blake et Mortimer à la poursuite d’un mystérieux criminel dans la capitale britannique.

En étudiant les huit albums initiaux, conçus en quatre décennies, le présent ouvrage a pour but de montrer que, derrière un divertissement destiné apparemment aux enfants, Jacobs transmet sa conception du droit et de la justice.

La reprise de la série depuis 1996 offre également l’occasion de poursuivre cette relecture en confrontant les nouvelles histoires à l’héritage laissé par l’auteur.

 

282 pages
Parution : 16 juin 2022

 

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28 novembre 2020 6 28 /11 /novembre /2020 14:22

Mon nouveau livre chez Mare et Martin

 

 

et sa présentation:

« Celui-ci est le premier, un sang bleu, issu d’une grande famille, Lord Brett Sinclair (...). L’autre est plutôt différent, un arriviste, Danny Wilde (...). Ils ont tous les deux une certaine valeur... Mais additionnés, comme en chimie... Prenez deux produits relativement peu dangereux, disons du nitrate et de la glycérine, mêlez les produits et vous allez obtenir une combinaison explosive. » C’est de cette manière que le juge Fulton présente deux individus qu’il veut réunir. Son but ? Rouvrir de vieux dossiers classés en utilisant ce duo d’enquêteurs que tout oppose, un aristocrate britannique et un homme d’affaires américain. C’est le début d’Amicalement vôtre. Derrière un humour omniprésent, chaque épisode offre au spectateur un regard singulier sur un monde en mutation, la société des années 1970. Le droit y occupe une place inattendue. Loin d’être une concession au réalisme, nécessaire au décor, il est au coeur de nombreuses intrigues. Les considérations juridiques font surtout l’objet d’une critique permanente qui permet d’opposer une légalité apparente, soumise aux aléas économiques et sociaux, inefficace dans son application, à une justice idéalisée incarnée par les deux héros. Brett et Danny nous proposent ainsi leur propre modèle juridique tout en dénonçant l’évolution du capitalisme et ses faux-semblants.

 

voir le site de l'éditeur

www.mareetmartin.com

 

 

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5 octobre 2020 1 05 /10 /octobre /2020 14:54

Une contribution publiée dans un ouvrage commun :

 

Un portrait naturaliste du Code civil, Les Rougon-Macquart d’Émile Zola

Paru dans Le Code en toutes lettres, écriture et réécritures du code civil au XIXe siècle, Classiques garnier, 2020

 

 

https://classiques-garnier.com/le-code-en-toutes-lettres-ecriture-et-reecritures-du-code-civil-au-xixe-siecle.html

 

 

Premières lignes de la contribution:

 

 

Les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire forment une vaste fresque rédigée par Zola entre 1871 et 1893. 20 romans illustrent les péripéties vécues par différents membres de cette famille. Qu’il s’agisse du monde paysan ou du monde ouvrier, d’une histoire de village ou de la vie d’une ville, d’une déchéance personnelle ou de la destruction d’une famille, le contenu est fréquemment pessimiste et sombre tout en incarnant une part importante du mouvement naturaliste.

Nous avons choisi le terme portrait dans le titre de cette contribution à dessein : l’histoire du mot naturalisme connaît un tournant au milieu du xixe siècle avec un transfert vers le monde de la peinture. En 1863, un critique d’art, Jules Antoine Castagnary, évoque l’existence d’une école naturaliste en ces termes :

 

« L’art est l’expression de la vie sous tous ses modes et à tous ses degrés, et son unique but est de reproduire la nature en l’amenant à son maximum de puissance et d’intensité : c’est la vérité s’équilibrant avec la science »[1].

 

La formule s’applique parfaitement au portrait littéraire de la société que Zola souhaite réaliser par l’intermédiaire de ses 20 romans. Cette logique apparaît dès les premières lignes de la préface du premier roman. À ce titre, on constate que l’œuvre dans son ensemble est pensée dès le départ dans une forme d’intégralité. Il s’agit d’évoquer une famille mais dans un dessein spécifique que l’auteur présente.

 

« Je veux expliquer comment une famille, un petit groupe d'êtres, se comporte dans une société, en s'épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt individus, qui paraissent, au premier coup d'œil, profondément dissemblables, mais que l'analyse montre intimement liés les uns aux autres. L'hérédité a ses lois, comme la pesanteur.

Je tâcherai de trouver et de suivre, en résolvant la double question des tempéraments et des milieux, le fil qui conduit mathématiquement d'un homme à un autre homme. Et quand je tiendrai tous les fils, quand j'aurai entre les mains tout un groupe social, je ferai voir ce groupe à l'œuvre, comme acteur d'une époque historique, je le créerai agissant dans la complexité de ses efforts, j'analyserai à la fois la somme de volonté de chacun de ses membres et la poussée générale de l'ensemble »[2].

 

La logique de Zola, d’abord et avant tout scientifique, se fonde sur des règles, biologiques et sociales, qui gouverneraient la société. Les Rougon-Macquart ont donc été rédigés pour offrir une démonstration scientifique.

Or, dans de nombreux romans, le droit intervient, parfois de manière liminaire, parfois de manière principale. Un texte est même fréquemment évoqué, le code civil[3]. Sans parfois de références précises, le code apparaît au cours de l’action, pour appuyer tel ou tel raisonnement, ou pour servir de cadre général.

L’objet de la présente contribution est de montrer que, au-delà de la simple utilisation romanesque du code civil (I), le document est utilisé par Zola dans un dessein beaucoup plus général qui intègre la dimension juridique dans la perspective naturaliste (II).

 

 

[1] Pagès, Alain, Pottier, Jean-Michel, Les Soirées de Médan (Émile Zola, Guy de Maupassant, Joris-Karl Huysmans, Paul Alexis, Léon Hennique, Henry Céard), Paris, Flammarion, 2015, 367 p.; p. ix.

[2] Zola, Émile, La Fortune des Rougon (1871), Paris, G. Charpentier, 1879, 385 p. ; préface p. 1.

[3] Code civil des Français, de l’imprimerie de la République, 1804, 579 p.

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