« le principe d’impartialité et la gestion de fait, entre espoir et déception », Revue Française de Droit Administratif, 2004/01.
extraits:
"En matière de gestion de fait, deux décisions récentes du Conseil d’Etat invitent à dresser un tableau actuel de l’état du droit financier français en ce domaine.
La première espèce a été rendue le 17 octobre 2003 par la Section du Conseil d’Etat dans l’affaire Dugoin[1]. Initialement la procédure est traditionnelle. Deux jugements de la Chambre régionale des comptes d’Ile de France en date des 5 juillet et 15 novembre 1999 ont déclaré comptables de fait des deniers du département de l’Essonne M. Dugoin, et d’autres personnes. Saisie en appel, la Cour des comptes dans des arrêts du 29 juin 2000 et 26 avril 2001[2] se déclare incompétente, s’estimant frappée de partialité structurelle[3] dès lors qu’elle avait évoqué l’affaire dans son rapport public pour 1998. A la suite du pourvoi de M. Dugoin, le Conseil casse la décision d’incompétence de la Cour car celle-ci aurait dû se dessaisir de l’affaire et la lui renvoyer ; de plus, il annule également l’arrêt de la chambre régionale car la participation au jugement du rapporteur ayant examiné les comptes du département auparavant violait le principe d’impartialité. Le Conseil laisse dès lors à la chambre régionale la possibilité d’ouvrir une nouvelle procédure de gestion de fait[4].
L’arrêt Richard[5], rendu le 30 décembre 2003 par les 4ème et 6ème sous-sections du Conseil d’Etat, apporte des développements nouveaux dans cette perspective. En raison de leur activité au sein d’une association municipale, Mme Richard, maire de Noisy-le-grand, et M. Beausoleil, conseiller municipal, ont été déclarés comptables de fait par la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France par un jugement définitif du 7 février 1996, confirmé en appel par la Cour des comptes. Par ailleurs, par un jugement définitif du 16 décembre 1999, la même chambre régionale a fixé la ligne de compte et prononcé les mises en débet. L’appel a, cette fois, conduit la Cour des comptes à partiellement infirmer le jugement en question en fixant une nouvelle ligne de compte. C’est cet arrêt qui donne lieu au pourvoi étudié ici. Se fondant sur le principe d’impartialité consacré par l’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, le Conseil rejette le moyen fondé sur l’évocation de l’affaire dans le rapport public au motif que ce dernier ne portait aucune appréciation sur la ligne de compte mais casse l’arrêt pour n’avoir pas censuré le jugement de première instance pour partialité en raison de la participation du rapporteur au délibéré.
Le rapprochement de ces deux arrêts conduit à un constat d’ensemble ambivalent. Certes, la Haute juridiction résout la question du fondement juridique jusqu’alors incertain de l’impartialité (I). Cependant, au regard des conséquences de l’arrêt Dugoin, l’arrêt Richard paraît n’être qu’une étape jurisprudentielle dans le contentieux particulièrement complexe qui oppose la Cour des comptes et son juge de cassation depuis ces dernières années (II). (...)"
[1] CE Sect. 17 oct. 2003, Dugoin : AJDA 2003. 2031, chron. Donnat et Casas ; Rev. Trésor 2004. 142, note Lascombe et Vandendriessche ; JCP 2004. n° 10011 et notre note. L’arrêt est reproduit à la RFD adm. 2003. 1271.
[2] Département de l’Essonne, RFD adm. 2002. 623, chron. Lascombe et Vandendriessche ; Rev. Trésor 2002. 25, note Lascombe et Vandendriessche .
[3] Par application de la jurisprudence « Labor Métal » : CE Ass. 23 fév. 2000, Soc. Labor Métal et autres : Rec. CE 82 ; RFD adm. 2000. 435 ; AJDA 2000. 404 ; Rev. Trésor 2000. 683, note Lascombe et Vandendriessche.
[4] On notera que le Parquet vient de saisir la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France à cet effet.
[5] Reproduit ci-dessus avec les conclusions Guyomar.