La politique américaine en Méditerranée,
chronique d’une ambition.
Cet article reprend une intervention faite à Rabat en mars 2009, au cours d'un colloque en cours de publication.
Extraits:
"Le 4 novembre 2008, le candidat démocrate, Barack Obama, a remporté l'élection présidentielle américaine. Certes, cette désignation est en premier lieu un événement américain ; ses conséquences politiques et sociales sont majeures en ce qu’elle symbolise une véritable rupture dans une double optique : retour des démocrates au pouvoir après l’ère Bush et première présidence noire de l’Histoire. Néanmoins, il apparaît évident que le changement incarné par cette désignation ne peut pas être sans conséquence pour les autres pays. L'implication majeure des États-Unis dans les relations internationales, les modifications géopolitiques et historique induites par la disparition de la bipolarisation au début des années 90 et les conséquences, à tous niveaux, de la politique menée par le précédent président, républicain, au niveau international fait de cet événement américain un événement à portée potentiellement mondiale.
La présente intervention poursuit un dessein : tout en évoquant les relations entre l'Europe et les pays de la Méditerranée, ce colloque pose plus globalement la question de la place de la Méditerranée dans le monde. Or, l'action des États-Unis dans cette zone géographique s'inscrit dans une perspective singulière et ce au moins à trois niveaux. D'une part, historiquement parlant, les Etats-Unis sont intervenus en Méditerranée soit pour des raisons d'influence générale soit pour des motifs beaucoup plus particuliers. D'autre part, économiquement, la république américaine s'est efforcée de développer des liens privilégiés avec un espace géographique placé au cœur d'une zone d'échanges. Enfin, stratégiquement, la Méditerranée est vite apparue comme une zone clé tant au point de vue militaire (ceci principalement au moment de la guerre froide) qu'au point de vue commercial, la zone en question concentrant un espace immense en matière de ressources et de profits potentiels.
Une quatrième dimension ne peut pas être totalement négligée à la fois parce qu'elle est essentielle et parce qu'elle était caricaturée ces dernières années. Parler d'influence générale ne signifie pas nécessairement volonté d'expansion et de domination ; de ce point de vue, la politique d'influence n'est pas simplement assimilable à une politique de puissance. Or, une autre problématique est venue s'ajouter à la fin de la guerre froide. La disparition du bloc de l'Est, définitive en 1991, a conduit à une reconstruction mondiale autour d'un pôle apparemment unique : les États-Unis. Très vite cependant cette vision s'est avérée erronée puisqu'une planète dotée de multiples pôles a surgi. Deux idées sont donc venues s'ajouter aux trois approches jusque-là traditionnellement défendues : tout d'abord, la victoire sur le bloc soviétique en 1991 a semblé donner à l'Amérique un leadership mondial, la transformant en modèle politique et économique. Qui dit leadership dit systématisation de la politique d'influence. En effet, puisque le modèle américain était sorti victorieux, l'idée de proposer au monde, et particulièrement à certains pays, un modèle politique et économique, c'est-à-dire la démocratie libérale, a commencé à structurer la politique américaine. Cependant, proposer ce modèle a très rapidement soulevé la question de la réalisation, rapide, durable, dans tous les pays. Derrière une intention apparemment louable, on a ainsi pu trouver une volonté non plus de proposer mais d'imposer un modèle comme étant le meilleur. Évidemment, cette nouvelle approche s'est heurtée à des réactions potentiellement hostiles. Dans ce cadre, des théories ont commencé à être édifiées pour identifier un nouvel adversaire, enclin à rejeter le modèle idéal de démocratie libérale. Le discours américain a peu à peu stigmatisé l'axe du mal pour souligner les résistances de régimes nécessairement condamnables puisque hostiles au modèle parfait qui était proposé. C'est dans ce contexte que sont intervenus plusieurs attentats dont celui du 11 septembre, soulignant que cette fois c'était la sécurité des États-Unis qui était mise en jeu. Cette dernière dimension est venue s’ajouter aux précédentes et permet de mieux comprendre l’approche géostratégique des Etats-Unis et plus particulièrement les choix faits en Méditerranée.
C'est donc en se fondant sur ces différents aspects que nous voulons étudier la politique américaine en Méditerranée. Plus spécifiquement, il semble que l'élection de Barack Obama signifie un changement réel dans les choix stratégiques, voire dans le positionnement diplomatique et idéologique, de la république américaine. Assurément, il faut se garder de toute caricature : l'élection du candidat démocrate, pour importante qu'elle soit en ce qui concerne les lignes politiques globales, n'implique pas une révolution dans la perception américaine du monde. Cette intervention a pour but de souligner d'une part l'évident au renouveau incarné par Barack Obama ; dans quelles proportions ce renouveau peut-il toucher la politique à l'égard de la Méditerranée c'est toute la question. Mais dans le même temps on peut souligner que cette politique n'est pas née avec George Bush et s'inscrit donc dans une perspective plus large ; dans ce cas peut-on parler d'une continuité assumée par la politique annoncée pour le moment par Barack Obama ? Ces deux thèmes conduisent à voir certes la fin du projet global défendu par l'administration républicaine, mais non l'abandon d'une politique américaine volontariste en ce qui concerne la Méditerranée."