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12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 15:56

« la Constitution américaine et la Deuxième République française », in Franck Laffaille (sous la direction de) Régimes politiques contemporains, journée d’études des Cahiers Rémois Annuels de Droit et Politique Etudes Comparées en 2007, Paris, Mare et Martin, 2009.

 

extraits:

"Le droit comparé permet à l’évidence de multiples études. Il peut en effet conduire à confronter des systèmes politiques et constitutionnels contemporains ; il peut aussi amener une analyse de l’influence de certains modèles constitutionnels sur d’autres en s’intéressant à une approche historique. C’est en adoptant cette dernière démarche que je souhaite vous inviter à un voyage dans le temps. Dans quelques mois nous fêterons le cent cinquantième anniversaire d’un des régimes français, la deuxième de nos cinq Républiques.

Dans cette intervention je me propose de revenir justement sur cette période particulière de notre histoire constitutionnelle, période particulièrement riche en matière constitutionnelle. De fait, la constitution de 1848 comporte à la fois la première apparition d’un président de la République, la première expression complète et pratique du suffrage universel mais également de nombreux questionnements sur les droits, l’idée démocratique et la question de la légitimité.

De prime abord, il est aisé d’évoquer une particularité dans l’analyse parfois faite de cette période. Il est ainsi courant chez certains auteurs de lier fortement la constitution de la deuxième république avec le texte fondamental américain de 1787. Si l’on suit cette approche, la constitution française de 1848 formerait une parenthèse dans notre histoire constitutionnelle. Elle serait la seule expérience de transposition d’un modèle constitutionnel, dit présidentiel ou de séparation stricte dans notre pays. Cette imitation française aurait été en grande partie la conséquence de l’action de certains acteurs de cette époque, influencés par le modèle américain. L’échec de l’expérience en question aurait conduit à l’abandon définitif de ce type de régime en France. Si cette vision était exacte, elle illustrerait parfaitement le thème que je vous propose d’aborder aujourd’hui, l’influence américaine sur la constitution française. Je pourrais même m’arrêter là puisque la transposition en question, l’imitation serions-nous tentés de dire, serait parfaite et l’influence totale.

Immédiatement, je tiens à préciser que la conception que je viens d’évoquer ne repose à mes yeux sur aucun fondement juridique valable. D’une part, on chercherait vainement un régime présidentiel dans le texte de 1787 établissant la fédération américaine. Cette loi fondamentale prévoit en réalité une balance des pouvoirs[1]. D’autre part, la prédominance de l’exécutif dans cette balance n’existe pas aux Etats-Unis à cette époque ; c’est même encore un régime congressionnel qui subsiste[2]. Enfin, une telle hypothèse se heurte à la réalité française. La révolution de février 1848 trouve sa source dans un refus de l’omnipotence de l’exécutif, institué pratiquement par Louis-Philippe sous la monarchie de juillet[3]. Les révolutionnaires et les réformateurs de février visaient justement à éviter cette prédominance. C’est la signification première du mouvement de contestation aux yeux de l’un des ses principaux dirigeants parlementaires Prosper Duvergier de Hauranne. Ce membre influent du Centre Gauche de la Chambre défend une évolution vers un régime plus équilibré pour affaiblir le roi dans ce qui reste le manifeste de la réforme modérée, de la réforme parlementaire et de la réforme électorale, qui paraît en 1847[4]. Il serait donc paradoxal de faire de ce régime un modèle sacralisant un président tout-puissant.

Pour autant, ce qui précède limite-t-il l’intérêt de l’exemple américain ? Dire qu’il n’y a  pas d’imitation ne signifie pas le rejet de tout lien. Au contraire, les Etats-Unis et la  France entretiennent à cette date des relations particulières dont la constitution de 1848 se trouve être le reflet. Il est certain que les fondements des deux régimes sont différents, ce qui incite à restreindre l’influence américaine. Cependant, les dispositions institutionnelles démontrent l’existence d’un véritable dialogue entre les deux pays, la Constitution de 1848 comportant nombre d’éléments renvoyant au texte américain. Pour aborder ces différents points, je vais être amené à examiner précisément certains aspects de la procédure constituante quarante-huitarde. Dans cette perspective, un rappel peut être utile pour fixer très précisément les dates marquantes et les principales institutions en cause. "



[1] Sur cette distinction, nous renverrons à l’ouvrage classique du Professeur Michel Troper, la Séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle française, Paris, L.G.D.J., 1980, 251 p.

[2] Woodrow Wilson, Congressional government, a study in American Politics, Boston, New-York, Houghton Mifflin Company, 1919, xvi-344 p.

[3] Sur ce rôle du monarque voir A. Laquièze, les Origines du régime parlementaire en France (1814(1848), PUF, Léviathan, 2002, pp. 245 et suiv. par exemple.

[4] Prosper Duvergier de Hauranne, de la réforme parlementaire et de la réforme électorale, Paris, Paulin et Pagnerre éditeurs, 1847, 324 p.

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