Cet article est paru dans la Revue Française de Droit constitutionnel en 2011
Revue française de droit constitutionnel
2011/4 (n° 88), pp. 681-707
extrait:
" « Les déclarations des droits de l'homme et du citoyen sont un produit direct de la philosophie du XVIIIe siècle et du mouvement d'esprit qu'elle a développé. Ce sont les principaux axiomes dégagés par les philosophes et les publicistes, comme les fondements d'une organisation politique juste et rationnelle, que proclamèrent solennellement les auteurs des constitutions nouvelles destinées à en faire l'application (…). Ce ne sont pas des articles de loi précis et exécutoires. Ce sont purement et simplement des déclarations de principes (…). La constitution de 1848, sous le titre de préambule et en huit articles, contient une véritable déclaration des droits et aussi des devoirs ; mais moins encore peut-être que celle de 1793 et de l'an III, cette déclaration n'a pas eu d'influence sur le développement de notre droit constitutionnel ». Cette citation est tirée des Eléments de droit constitutionnel français et comparé d'Adhémar Esmein. Elle illustre une position longtemps défendue par les publicistes français, visant à limiter l'importance juridique des textes introductifs des constitutions. Dans le même développement, Esmein compare les déclarations et les garanties des droits pour mettre en lumière l'importance revêtue, à ses yeux, par les secondes vis-à-vis des premières. Au regard des discussions et évolutions actuelles, et si l'on se réfère au droit positif, cette prise de position semble appartenir à l'histoire. Si l’on s’intéresse aux textes républicains récents, la question de la valeur du texte introductif occupe même une place particulière dans les études constitutionnelles. Ainsi, la valeur du préambule de 1958 a longtemps fait débat jusqu’à l’action prétorienne du conseil constitutionnel en 1971 ; celle du texte de 1946 a donné lieu à plusieurs travaux. Ce dernier exemple nous intéresse particulièrement car des différences majeures ont été soulignées entre les deux projets constitutionnels, concernant justement les textes introductifs. A cette date, certains n’ont pas hésité à souligner le changement survenu, un préambule remplaçant une déclaration des droits, et la faiblesse juridique du premier en comparaison de la seconde. Au premier abord, il serait aisé de faire une distinction entre des textes récents, dont les préambules sont importants, et les constitutions mises en place entre 1789 et 1848, qui, tout en comportant des textes introductifs, n'impliqueraient sur ce point précis aucune conséquence juridique majeure. Immédiatement, cette approche peut être nuancée puisque l'un de ces textes, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, occupe une place essentielle dans notre édifice juridique. On pourrait n'y voir qu'une exception à un principe global. Mais, une autre attitude n'est-elle pas justement possible ? Les débats qui ont conduit à l'adoption des différentes constitutions françaises sont autant d'indices et de jalons, permettant de comprendre l'essor de la pensée juridique au travers des questions abordées. Dans cette optique, opérer une relecture d'un des textes constitutionnels permet, dans un premier temps, d'étudier les conceptions juridiques des rédacteurs. Le choix de 1848 est d'autant plus pertinent, si l'on adopte ce point de vue, qu’un changement majeur s'est produit au cours de la discussion. L'examen de ce changement, dans un second temps, offre un regard renouvelé sur les débats juridiques concernant les textes introductifs mais également un prisme d'étude tenant compte à la fois des convictions politiques et juridiques et du contexte historique".