début d'un article paru en décembre 2023 dans la revue Jus Vini...
Prohibition. Le mot résonne dans l’imaginaire. Il nous renvoie à une époque précise de l’histoire américaine, les années 1920, à une politique menée pour des raisons sanitaires, religieuses et sociales et à un échec retentissant, y compris en matière criminelle, symbolisé par des figures de la pègre, en particulier à Chicago. Cette approche très partielle néglige l’existence d’un vaste mouvement qui, au cours du XIXe siècle, a conduit à la transformation juridique en cause. Connu sous le nom de tempérance, ce mouvement a des origines diverses. Porté par des médecins et des représentants religieux, il amène la création d’associations pour parvenir à une interdiction de la production, du commerce et du transport des boissons alcoolisées. Toute la contradiction réside dans ces derniers termes : en effet, alors que le mot de tempérance pouvait être interprété comme visant à diminuer la consommation d’alcool, les sociétés de tempérance américaines poursuivent un but principal, l’interdiction totale de l’alcool, quelles que soient les boissons concernées.
La France semble bien éloignée de ces considérations. La législation française n’a pas connu de tentative prohibitionniste de cette ampleur. Le pays est beaucoup plus connu pour son rôle de fournisseur d’alcool au marché clandestin américain que pour un débat sur l’interdiction de l’alcool sur son territoire. La surprise est donc de taille lorsqu’on constate qu’une société française de tempérance a bel et bien existé entre 1872 et 1905...