~~Je viens de publier un article à la RFDC n°102 Juillet 2015
En voici les premières lignes
L’amendement fantôme, l’autre 13e révision de la Constitution américaine. présentation
L’année 2015 marque le 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis. Ratifié en 1865, le XIIIe amendement, c’est-à-dire la 13e révision de la Constitution américaine, opère une triple transformation au regard du droit applicable. D’une part, cet amendement consacre juridiquement l’abolition de l’esclavage et la victoire du Gouvernement fédéral sur les États du Sud. D’autre part, cette révision s’intègre dans la procédure dite de reconstruction qui transformera en profondeur la Fédération américaine entre 1865 et 1877. Enfin, ce texte constitue un premier pas vers une démocratie fédérale en intégrant une dimension en lien avec les droits fondamentaux dans la Constitution fédérale. Ce bref rappel qui concerne la révision adoptée après la guerre civile permet de comprendre l’importance de cette transformation au regard de l’histoire constitutionnelle des États-Unis. Cependant, un autre XIIIe amendement aurait pu être adopté quatre ans plus tôt, avec des conséquences très différentes pour l’ensemble du droit américain. Au début de l’année 1861, c’est-à-dire avant le déclenchement militaire de la guerre civile, une proposition d’amendement est débattue devant le Congrès américain. Cette proposition est même adoptée par les deux chambres. Le texte, renvoyé devant les États pour ratification, ne sera examiné que par trois d’entre eux. Relativement peu connu, ce texte, s’il avait été adopté, aurait constitué un véritable retournement dans la perspective américaine : cet amendement fantôme, surnommé ainsi en raison justement de son inexistence paradoxale, consacrait l’esclavage en lui conférant une protection constitutionnelle. Afin d’analyser cette tentative de révision, il est nécessaire de se replacer dans le contexte américain. Cette proposition constitue une ultime conciliation entre les États du Nord et les États du Sud, au nom de la Fédération et de sa garantie. Son échec conduit à s’interroger sur le texte lui-même, la procédure utilisée et son maintien en l’état, sans véritable existence, mais sans véritable suppression non plus, en droit américain. Qualifier cet amendement de fantôme se révèle pertinent à un double titre, d’une part, parce qu’il n’est que l’ombre de la révision qui était nécessaire à cette époque, d’autre part, parce que, bien qu’il n’ait jamais été ratifié, il continue d’exister à travers une procédure toujours en cours, sans véritable espoir d’être consacré mais sans disparition programmée.